Quelle place ont les femmes dans l’entrepreneuriat et la tech en France aujourd’hui?
L’entrepreneuriat ne s’est jamais aussi bien porté en France : en 2021, plus de 900 000 entreprises ont vu le jour. Parmi elles, beaucoup d’auto-entrepreneurs mais 27 % sous la forme de sociétés .
Pour autant, la représentation des femmes reste anecdotique, notamment dans les secteurs de la tech et des startups. Les chiffres sont clairs : en 2019, les femmes représentaient moins de 11 % des salariés français dans les métiers de la tech.
Concernant le faible pourcentage de femmes dans l’IT, là encore, ce constat est à nuancer : elles évoluent en fait majoritairement sur des postes transverses à 45%, notamment sur la gestion de projets ou l’audit. On ne retrouve quasiment pas de femmes sur les postes nécessitant des compétences plus techniques comme les postes de support utilisateurs (6% vs 10% hommes), d’exploitation ou de maintenance (8% vs 15% hommes).
La proportion de femmes embauchées dans les nouveaux métiers numériques atteint bien les 27,9 %, selon une étude du Syntech de mars 2021, mais elles sont également concentrées dans les médias sociaux, le marketing et la communication digitale, et non sur les métiers techniques, de développement, ou d’IA. La Data échappe un peu à cette règle et attire davantage de femmes car en plus des assets scientifiques, il faut une capacité d’analyse et de gestion de projets, de rédaction.
Au niveau des strates managériales supérieures, la disparité se creuse encore davantage.
La French Tech a analysé la promotion French Tech 120 et seulement 6% des femmes sont co-fondatrices ou CEO au sein des entreprises du French Tech 120.
Selon le rapport Sista x BCG, en 2021, les équipes fondatrices des jeunes pousses françaises étaient à 76 % exclusivement masculines, quand 8 % étaient strictement féminines et 16 % mixtes. Si la situation s’améliore un peu vs les années précédentes, on est loin du compte. Toujours selon cette étude, les dirigeants masculins sont 14% à privilégier une équipe mixte, c’est 3 points de plus qu’en 2019. Les fondatrices, elles, sont 75% à choisir une équipe mixte.
La crise sanitaire de 2020 a encore accentué les difficultés pour les femmes entrepreneures. Durant la crise, 69 % d’entre elles ont dû suspendre leur activité contre 49% des entrepreneurs, selon Initiative France.
Femmes entrepreneurs: impact sur les levées de fonds et le business
Au niveau des levées de fonds, les entreprises françaises ont levé 11,5 milliards d’euros en 2021 et déjà 2 milliards en 2022.
Mais là encore, les disparités hommes-femmes sont flagrantes: En 2020, 84% des levées de fonds concernaient des équipes de dirigeants 100% masculin. Seul 3% d’équipe 100% féminines ont été financées.
Les équipes fondatrices féminines ne comptent que pour 2% des levées de fonds entre 15 et 50 millions d’euros. Elles disparaissent ensuite des levées de fonds supérieures à 100 millions d’euros. Dans ces séries, 100% des fonds sont levés par des équipes fondatrices masculines.
Les équipes féminines de startups ont 30% de chances en moins de lever des fonds par rapport aux équipes masculines. Les femmes fondatrices et co-fondatrices de startups ne récoltent que 5% des fonds alloués chaque année aux jeunes entreprises innovantes par les fonds de capital risque français.
Si l’on cherche les causes de cet écart flagrant, on note notamment que les femmes sollicitent moins les banques et sont plus “prudentes” dans la gestion de leur entreprises
Des équipes de femmes pourtant plus rentables
Le Boston Consulting Group a publié une étude menée sur 350 entreprises, afin de comparer les investissement et le chiffre d’affaire en fonction du genre des dirigeants et les résultats sont éloquents :
Alors si cela est rentable pour tous, pourquoi cette disparité a du mal à diminuer?
Pourquoi y a-t’il si peu de femmes dans la tech?
L’histoire de l’informatique et de la tech montre bien que des femmes ont activement participé à ce secteur, dès le début : en 1843, le premier programme informatique est créé par Ada Lovelace. En 1945, ce sont également six femmes qui programment le premier ordinateur électronique. Margaret Hamilton est celle qui a conçu le système embarqué du programme spatial Apollo 11. Elles étaient plus nombreuses dans l’IT avant le début des années 1980 que maintenant.
Mais comme l’explique très bien cet article de la Grande Ecole Numérique, tous les domaines qui deviennent stratégiques sont systématiquement pré-empté par les hommes, et on voit la part des femmes y travaillant, diminuer. La tech et le numérique n’ont pas échappé à la règle.
Les clichés sur les professions techniques réservées aux hommes perdurent et notre système éducatif reste ancré dans des préjugés qu’il faut changer : en 2019, les jeunes filles inscrites en école d’ingénieurs ne représentaient que 28,1% des demandes. En Première, 2,9% des filles avaient choisi la spécialisation NSI (Numérique et Sciences Informatiques) en 2020
À l’École 42 par exemple, le taux de candidates a doublé en deux ans, et représente ainsi 30% de l’ensemble des postulants. Cependant, au final, les jeunes femmes ne représentent que 15% des étudiants.
Il y a donc un réel effort informatif à faire à l’école, pour faire connaître ces métiers et encourager les jeunes filles à s’orienter vers ces univers attractifs. Cet effort est à poursuivre au sein de nos foyers car la cellule familiale joue un rôle clef dans l’orientation des choix d’orientation et de carrières.
Un changement bénéfique dans les programmes de divertissements et les jeux, permet de déconstruire peu à peu ces clichés.
Il a été démontré que les séries ayant des héroïnes féminines aident à balayer ces préjugés et ouvrent la voie aux jeunes filles qui ont un modèle de réussite. Au niveau jeux, Lego et Barbie ont aussi diversifié leurs offres et proposent désormais des poupées et figurines femmes endossant des métiers scientifiques.
Les femmes dans la tech et la rémunération
La disparité homme-femme dans la tech et les startup touche aussi évidemment la rémunération. La French Tech s’est emparé du sujet et d’après l’étude Galion menée auprès de ses startups, les femmes seraient ainsi payées 33% de moins que les hommes, à compétences et poste équivalents. En 2019, cet écart était de 28%, soit une dégradation.
Au sein des employés de startup, l’écart salariale homme-femme va de 3% pour des postes classiques opérationnels, à 10% pour des postes à responsabilité.
De manière générale, et pas seulement dans les startups ou la Tech, les femmes ont tendance à sous-évaluer leurs compétences et donc leurs rémunérations. La charge mentale, la gestion des enfants et la culpabilité de ne pas être aussi disponibles que les hommes est encore bien ancré chez la plupart des travailleuses. Elles se renseignent également moins sur les fourchettes de salaires équivalents à leurs compétences et vont donc moins négocier lors de la phase de recrutement.
Vers une féminisation de L’IT: nouvelles règles et résolutions
La bonne nouvelle, c’est qu’après des années de constats, les lignes commencent à bouger de manière concrète.
La tech voit de plus en plus de femmes prendre les rennes de sociétés : Claire Michel vient d’être nommée DG de Yahoo France, Oracle est dirigé en France par Karine Picard et Corine De Bilbao vient de prendre la tête de Microsoft France.
Aujourd’hui, de plus en plus de startup et de licornes intègrent des femmes à des postes clefs.
“Il y a encore un fossé gigantesque à remplir mais la tech fait de gros efforts. Il y a encore quelques années nous étions dans l’ère de l’évangélisation, maintenant nous sommes dans l’ère de l’action », estime Alexia Boeckx, cofondatrice d’A Female Agency.
Afin d’attirer davantage de femmes dans la technologie, il est primordial de continuer à développer les programmes de mentorat, le networking, mais de s’adapter aussi aux contraintes des femmes actives, avec des heures de travail flexibles, le télétravail et le développement personnel.
Le secteur des startup et de la tech sont agiles et donc propices à une flexibilité, il n’est donc pas pensable de ne pas arriver à recruter davantage de femmes.
Début septembre, la commissaire européenne à l’innovation Mariya Gabriel a organisé une conférence sur les femmes dans l’intelligence artificielle. « Pour que l’IA joue un rôle dans la réduction des inégalités il faut augmenter le pool de talents, des IA centrées sur l’humain et sans biais cognitifs », professe-t-elle. L’Union a crée un programme de recherche en intelligence artificielle : 136 femmes ont déjà candidaté et 16 sociétés ont signé un pacte pour changer leur recrutement. Un plan pour l’éducation digitale doit aussi former 40.000 jeunes filles.
Les fonds d’investissement s’engagent sur la parité
56 fonds se sont engagés en 2019 via la Charte SISTA x CNNum à porter des actions concrètes en faveur de la parité, via leur stratégie d’investissement : pratiques plus inclusives et prendre en compte le genre dans les dossiers Ces fonds s’engagent à investir dans au moins 25% de startup dirigées par des femmes.
Au sein de ces fonds, la part des femmes au sein des équipes est en augmentation, comme celle des femmes au rang de partners (13% en France, soit 50% de plus qu’ailleurs).
« De nombreux business angels me disent qu’ils aimeraient financer des start-up tech féminines mais que cela représente à peine 10% des dossiers qu’ils reçoivent », confie Denis Fayolle, investisseur et entrepreneur.
« Il y a 4% à 5% de femmes partners dans les fonds d’investissement au niveau mondial et le ratio est quasiment identique en France. Or les femmes investisseuses amènent souvent les femmes entrepreneures », affirme Samantha Jerusalmy.
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Les initiatives pour faire émerger et soutenir les femmes dans la tech
De nombreuses entreprises et associations se sont développées afin de former, soutenir et mettre en relation les femmes dans la tech. Voici quelques initiatives intéressantes:
David Chapon, Co-fondateur Rise Partners
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